"Le but de cet essai est de proclamer un principe très-simple, comme
fondé à régir absolument la conduite de la société envers l’individu,
dans tout ce qui est contrainte et contrôle, que les moyens employés
soient la force physique, sous forme de peines légales, ou la coaction
morale de l’opinion publique. Voici ce principe : le seul objet qui
autorise les hommes, individuellement ou collectivement, à troubler la
liberté d’action d’aucun de leurs semblables, est la protection de
soi-même. La seule raison légitime que puisse avoir une communauté pour
user de force contre un de ses membres, est de l’empêcher de nuire aux
autres. Elle n’en a pas une raison suffisante dans le bien de cet
individu, soit physique, soit moral.
"Un homme ne peut pas, en bonne justice, être obligé d’agir ou de
s’abstenir, parce que ce serait meilleur pour lui, parce que cela le
rendrait plus heureux, ou parce que, dans l’opinion des autres, ce
serait sage ou même juste. Ce sont de bonnes raisons pour lui faire des
remontrances, pour raisonner avec lui, pour le convaincre ou pour le
supplier, mais non pour le contraindre ou pour lui causer aucun dommage,
s’il passe outre. Pour justifier cela, il faudrait que la conduite
qu’on veut détourner cet homme de tenir, eût pour objet de nuire à
quelqu’autre. La seule partie de la conduite de l’individu pour laquelle
il soit justiciable de la société, est ce qui concerne les autres. Pour
ce qui n’intéresse que lui, son indépendance est, de droit, absolue.
Sur lui-même, sur son corps et sur son esprit, l’individu est souverain."
- John Stuart Mill, De la liberté
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