2014-04-30

Lectures d'avril 2014

  • José Piñera : Pour un système de retraite qui marche ! La réforme chilienne. Sans doute le livre le plus important du moment sur l'avenir de notre système de retraite : le modèle français de l'assurance vieillesse n'est ni le seul, ni le meilleur. Ce livre rapide à lire (20 pages) propose des pistes sérieuses, déjà mises en place dans de nombreux pays, pour sauver nos retraites de la banqueroute, au bénéfice tant des retraités que de la population en âge de travailler.
  • Takahiro Kurashima : Poemotion 1. Entre illusions d'optique et art cinétique.
  • Cédric Parren : Le silence de la loi. Un pamphlet qui dénonce, comme en 1991 le Conseil d'État dans son rapport public, la « logorrhée législative et réglementaire » et l'instabilité « incessante et parfois sans cause » des normes.

Spécificité lorraine



Source : Le Monde : Quels sont les prénoms les plus populaires depuis 1946 ?

2014-04-17

Maundy Thursday (Jeudi Saint)



Pour comprendre ce dont il s'agit : Royal Maundy today (dans la tradition anglicane) ; Jeudi Saint (dans la tradition chrétienne en général).

2014-04-13

Prométhée de Franz Liszt



Prométhée, de Franz Liszt, par Jean Guillou, aux grandes orgues de la cathédrale de Nancy (répétition avant concert en 1981).

2014-04-12

De la fusion des régions

L'Europe des régions. Source : ARE

J'ai longtemps été favorable à l'idée de fusion des régions. Qui soutiendrait, à part les élus actuels, attachés à leur siège, qu’il n’y a pas de sens à réunir l’Alsace et la Lorraine, ou la Normandie haute et basse ? On sait que le sujet de l'organisation territoriale de la France passionne depuis longtemps les Lorrains, puisque 19 d'entre eux, d’opinions politiques et religieuses diverses, publièrent dès 1865 un projet de décentralisation plus connu sous le nom de "projet de Nancy".

L’idée qu’il y a trop de niveaux d’administration en France, trop de collectivités locales, rend immédiatement sympathique la proposition de réduire le nombre des collectivités à l’un de ces échelons. On se dit que leur fusion permettra des rationalisations, des suppressions de doublons. Mais cette idée simple ne serait-elle pas trop intuitive, un peu hâtive ? Résiste-t-elle à l’épreuve des faits ? Qu’en est-il au fond, en tentant de prendre un peu de recul ?

On dit souvent que l'économie ou la science politique ne sont pas des sciences expérimentales ; mais on peut tout de même trouver des exemples, ou des contre-exemples, à condition de bien vouloir regarder ailleurs que dans l'hexagone.

Pour cette réflexion, j’ai retenu deux pays voisins en particulier : l’Allemagne et la Suisse, car elles souvent montrées en modèles d'un système décentralisé qui fonctionne, et qui fonctionne bien. Leur vitalité démocratique est indéniable, et est confirmée par les classements internationaux. Et leurs résultats économiques sont enviables : respectivement 3,2 % de chômage et 78928 $ de PIB par habitant pour la Suisse, 6,8 % et 42625 $ pour l’Allemagne contre 9,8 % et 39772 $ pour la France. Personne ne peut sérieusement soutenir que les cantons suisses ou les Länder allemands ne fonctionnent pas, ou fonctionnent moins bien que les régions françaises. Je comparerai les populations, critère qui est avancé comme justifiant le plus l’idée de fusion, et qui est plus pertinent que la superficie, la densité ou la richesse.

Or, que constate-t-on lorsque l’on compare la population des régions françaises, des Länder allemands et des cantons suisses ? On constate, tout simplement, que la taille n'y fait rien : le nombre d’habitants par région est sans influence sur leur pertinence politique et leur efficacité économique. Cf. le graphique ci-dessous (population des Länder en noir, des régions en blanc, des cantons en rouge) : fichier téléchargeable et imprimable pour avoir une vue plus nette.


Cliquer sur le graphique pour l'agrandir.
Extrait du tableau .xls par Marc Baronnet publié sous licence CC-BY-SA 3.0

Les régions françaises sont intercalées, tant parmi les cantons suisses que parmi les Länder allemands. Pour simplifier, les îles et la Guyane sont intercalées parmi les cantons suisses, et les régions métropolitaines continentales sont intercalées parmi les Länder.

Si la taille n’y fait rien, pourquoi cette idée récurrente de fusion, déjà avancée dans le rapport du comité Balladur remis le 5 mars 2009 ? Avançons quelques explications.
1. C’est une idée simple, et les idées simples et intuitives sont plus faciles à faire passer que les réformes plus complexes, même plus efficientes.
2. Il faut, en politique, à l’ère médiatique, faire des annonces, pouvoir montrer qu'on agit. C’est une belle réforme, qui ne sert peut-être pas à grand-chose, mais qui est visible, affichable.
3. Elle paraît, mais à tort, répondre au problème, clairement identifié et réel, du trop grand nombre de collectivités locales en France et du trop grand nombre d’élus.
4. Elle permet de différer l'examen de questions autrement plus épineuses de dévolution de nouvelles compétences et d'accroissement de l'autonomie financière, qui ont l'inconvénient pour les jacobins de réduire le pouvoir de Paris, ou de suppression du département, qui se heurte à la fronde de tous ceux qui ont un intérêt particulier à son maintien.

La théorie ne permet pas de démontrer que les économies d'échelles souvent promises, mais rarement réalisées, et qui risquent en fait d’être compensées par les dépenses somptuaires de barons des grandes régions, présentent un intérêt supérieur à la qualité de la gestion permise par la proximité, la subsidiarité, la responsabilisation des élus par la connaissance personnelle de leurs concitoyens dans des entités de petite taille. Les populations des régions françaises ne sont pas hors de proportion avec celles des entités suisses et allemandes, avec un spectre plus large il est vrai. À moins que la dispersion ait en soi un coût, mais cela n'est nullement démontré, ni théoriquement ni expérimentalement, puisque chez nos voisins les collectivités n’ont pas non plus une taille homogène. Pas plus que la théorie, les faits, tels qu’ils sont vécus par nos voisins allemands et suisses, ne démontrent l’avantage de telles fusions.

On trouve en revanche à cette idée de réforme une série d’inconvénients : les coûts de transition, la déperdition d’énergie causée par les dissensions sur le choix des départements qui composeront ces futures grandes régions, soit qu’ils soient réunis par décision arbitraire venue de Paris, soit qu’ils résultent – mais comment ? – de la consultation de leurs habitants, sans compter les incongruités qui ne manqueront pas d’en résulter en l’absence de critère qui fasse l’unanimité ; et enfin, les régions françaises les plus petites, pour lesquelles le gain de taille est peut-être le seul qui ait réellement un sens, sont les moins fusionnables entre toutes : il s’agit des îles. À moins de constituer une région des Îles-de-France... mais les distances et les spécificités insulaires rendent cette idée illusoire.

Pour réduire significativement le nombre d’élus et de collectivités, il n’est nul besoin de fusionner les régions. Si l’on tient à diminuer le nombre de collectivités et d’élus, cela doit notamment passer par la suppression pure et simple d’un niveau d’administration, probablement le département ; et par la réunion des communes, comme l’a fait la Belgique, qui a divisé par 4 le nombre de ses communes en 1975. Je proposerais, par exemple, de réfléchir à une fusion des communes rurales à l’échelle du canton, avec maintien d’une représentation de chacune des communes constitutives.

La conclusion de cette réflexion est que la clef de l'amélioration de l’organisation territoriale de la France n’est pas la taille de ses régions, alors même que parmi les propositions récentes c’est la question qui retient le plus l’attention des media et du public. Le critère du succès des Länder allemands et des cantons suisses réside ailleurs que dans leurs dimensions. 

Le rapport Balladur de 2009 comporte trois parties : il parle de simplifier les structures, de clarifier les compétences, et de moderniser les finances locales. S’agissant des régions, c'est bien plus au niveau de l'attribution des compétences et des modalités de leur exercice, d'une part, et de l'autonomie et des marges de manœuvre en matière financière, fiscale et budgétaire, d'autre part, que résident les facteurs du succès, politique et économique, et finalement humain, de ces collectivités.