2008-07-19

Economie et physique (Tom Roud)

Extrait du dernier billet de Tom Roud (l'original est ici) :

"Glané en fouillant dans mes archives, dans un numéro spécial de Pour la Science consacré à la complexité, paru en Décembre 2003, sur les liens entre économie et physique

Pour revenir sur les débats agitant le blog de l’énervé, Jean-Philippe Bouchaud a écrit un article remarquable sur la comparaison entre marchés financiers et des systèmes physiques bien connus (type verres de spin). Comme ces derniers, les marchés financiers sont caractérisés par une complexité rendant caduque toute notion d’optimisation globale :

Le paradigme de l’Homo economicus, optimisant en permanence sa fortune morale, se heurte à un mur de complexité algorithmique, qui rend caduque [la] fonction d’utilité. Un exemple, classique dans les manuels d’économie, est celui de la ménagère qui ressort du supermarché avec un caddie censé contenir les produits qui maximisent sa fonction d’utilité. (…) La fonction d’utilité est une fonction de N variables (…). Dès que N est un peu grand (par exemple N=100 produits différents) et que la fonction d’utilité a une structure un peu compliquée, la recherche de la configuration optimale ne peut être menée à bien; aucun ordinateur ne peut énumérer les 2^100, soit envirion 10^30 combinaisons possibles ! Il est donc clair que la ménagère, même parfaitement rationnelle, ne remplit pas son caddie en utlisant ce procédé. Son optimisation est au mieux locale, et non globale.

Du coup, on peut étudier les marchés financiers comme des systèmes physiques bien connus, avec des “quasi-équilibres, interrompus par des crises brutales : on parle de dynamique intermittente”. Bouchaud en tire la conclusion suivante :

Du point de vue pratique, la regrettable complexité des systèmes économiques, (…) tels que la moindre perturbation (réforme, modification des taux…) peut avoir un effet opposé à celui opposé à celui anticipé, paraît pour le moins déprimante, car elle limite de facto la pertinence des politiques économiques.

Je ne sais pas si les idées des physiciens de la grande école franco-italienne “verre de spin” ont gagné l’économie, mais à la lumière de l’article je me suis dit que c’était vraiment le bon niveau de description. Et cela fait effectivement réfléchir sur la notion même de politique économique, qui paraît donc carrément naïve (voir aussi cet article ).

En tous cas, Bouchaud a depuis sa propre start-up en finance, qui a recruté nombre de mes camarades de DEA/thèse et, murmure-t-on dans le milieu de la physique française non permanente, vogue de succès en succès…"



(reproduit avec l'aimable autorisation de Tom Roud ; qu'il en soit remercié :-)

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