2020-04-24

Question à mes amis historiens : grands textes de l'histoire des droits et libertés

Question à mes amis historiens. Comme juriste, je suis troublé par une différence marquante entre les deux côtés de la Manche.

L'histoire constitutionnelle britannique est jalonnée de grands textes considérés comme fondateurs des droits et libertés, dont les textes sont connus et souvent cités.
1100 : Charte des Libertés 🏴󠁧󠁢󠁥󠁮󠁧󠁿
1215 : Magna Carta 🏴󠁧󠁢󠁥󠁮󠁧󠁿
1320 : Déclaration d'Arbroath 🏴󠁧󠁢󠁳󠁣󠁴󠁿 (dont on fête les 700 ans)
1628 : Petition of Rights
1679 : Habeas Corpus 🏴󠁧󠁢󠁥󠁮󠁧󠁿
1689 : Bill of Rights 🏴󠁧󠁢󠁥󠁮󠁧󠁿

En France, aucun texte n'est ainsi "célébré" avant la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Est-ce à dire qu'il n'y a eu aucun équivalent français de ces textes fondateurs britanniques, et que l'absolutisme n'est pas seulement le fait des Bourbons, mais est d'une certaine manière déjà le fruit de l'histoire médiévale ? Ou est-ce que la mémoire collective et la révolution ont englouti des textes comparables par leur portée historique ?
 
L'Ordonnance-testament de 1190, la Grande ordonnance de 1357, l'Ordonnance cabochienne de 1413, le Manifeste de la Ligue du bien public de 1465, l'arrêt d'Union de 1648 contiennent-ils quoi que ce soit à cet égard ? Il est significatif qu'aucun de ces textes français ne soit disponible sur Wikisource, alors que tous les textes britanniques susmentionnés y figurent !
 
Cf. Antoine Michel. Nostalgie de la Fronde et opposition parlementaire sous Louis XV. In: Cahier des Annales de Normandie n°23, 1990. Recueil d'études en hommage à Lucien Musset. pp. 481-491. DOI : https://doi.org/10.3406/annor.1990.4056
 
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/0c/Declaration_of_Arbroath_translation_2.JPG

2020-04-23

Monnaie numérique de banque centrale #MNBC #CBDC #Bitcoin #Litecoin #Algorand

M. Claude Raynal. - Monsieur le directeur, vous êtes en charge des monnaies numériques à la BRI. Où en est-on à propos  de l'e-euro ?

M. Benoît Coeuré. - Je suis très heureux de répondre à cette question. La crise ne doit en effet pas empêcher de réfléchir à plus long terme.
Je suis convaincu, au-delà de la France et de l'Europe, que cette crise va accélérer des mutations technologiques, en particulier dans le domaine financier. Elle va donner un coup d'accélérateur à la finance numérique, aussi bien dans le domaine bancaire que s'agissant des paiements.
On voit la méfiance que le virus provoque aujourd'hui à l'égard des billets. Cette méfiance est anecdotique et temporaire - et au demeurant injustifiée, mais la crise va plus généralement encourager le travail à distance et la dématérialisation. On aura besoin d'instruments de finance numérique pour faire fonctionner ce monde nouveau.
Ces instruments doivent-ils inclure une monnaie numérique banque centrale (MNBC) ? Je ne peux répondre pour l'euro. C'est à la BCE de le faire. Elle a ses propres travaux sur le sujet. La BRI essaye de coordonner la réflexion mondiale.
Je copréside un groupe de travail sur ce sujet avec le sous-gouverneur de la Banque d'Angleterre, Jon Cunliffe. Un premier rapport sera prêt en septembre. Il dégagera une approche commune entre la zone euro, l'Angleterre, la Suède, le Canada, le Japon, la Suisse et les États-Unis.
Il ne conclura pas à l'opportunité de mettre en place une monnaie électronique car c'est une décision politique qui vous reviendra, à vous parlementaires nationaux, ainsi qu'au Parlement européen et au Conseil européen, dans le cadre de l'euro, mais nous allons dégager des principes communs, en particulier d'interopérabilité entre MNBC, afin d'assurer le bon fonctionnement du système monétaire international.
Cette transition prendra le temps qu'il faudra car le choix du type de monnaie électronique mis en place peut avoir des conséquences assez fortes sur l'intermédiation financière.
Pour prendre un exemple quelque peu extrême et caricatural, si la BCE décidait d'ouvrir des comptes de dépôt à 340 millions de citoyens de la zone euro pour pouvoir les abonder avec des euros électroniques, cela pourrait tuer l'activité de dépôt bancaire commerciale et, par là, le financement d'une partie des banques européennes.
Il faut réfléchir de manière cohérente au mode d'instruction de la monnaie électronique, aux moyens de la sécuriser en termes de cybersécurité, de fraude, etc. et à l'impact que cela peut avoir sur l'activité de banque de dépôt et l'intermédiation financière en général. On va y venir, mais cela prendra sans doute un peu de temps. Tout ceci n'est qu'un avis personnel.

Source: Sénat, commission des affaires européennes : audition de M. Benoît Coeuré, directeur du pôle innovation de la Banque des règlements internationaux, ancien membre du directoire de la Banque centrale européenne (par audioconférence), 14 avril 2020.